(the name of the game)

l'homme n'a jamais quitté l'île. il en a eu pourtant l'occasion, plus jeune, mais n'a jamais osé sauter le pas. il a peur à l'idée de ne pas être capable de revenir. s'éloigner d'Ohana, c'est mourir. + il ne s'attendait pas à devenir père. c'est pourtant arrivé, une magnifique petite fille qui lui a donné envie un temps de devenir un véritable adulte, de murir. mais l'homme n'a jamais été rien d'autre qu'un enfant au coeur trop grand. le départ de sa femme a été un ras de marée qui a tout dévasté sur son passage. vivre sans elles a été une épreuve difficile. au début, il appelait souvent. il posait des questions, s'émerveillaient. retenait les sanglots. et puis, la petite a fini par se lasser. alors ils ont arrêté, et le silence est devenu commun. un silence qu'il vit très mal. + jones est un irresponsable. plus du genre à survivre qu'à avoir un plan d'épargne. un étourdi aux rêves trop grands, refusant cette vie qu'on lui force à avoir, avec une carte bleu et des factures. il préfèrerait vivre autrement, seul, avec aucune autre obligation que celle d'être heureux. mais à force de refuser la réalité, il s'est perdu. + son petit bar a fait faillite. une fermeture pitoyable, un piège tendu par un autre. il n'a plus eu d'argent, et voilà. c'est fou comme le monde fonctionne étrangement. un jour on est le roi, on mène la fronde d'une main de fer. et puis on mange des restes oubliés, en priant l'océan pour trouver de quoi se nourrir le lendemain. + sans travail. sans argent. la menace de perdre sa petite maison. il a fini par lâcher, par craquer. il a fini par dire oui au premier venu. au démon. il a fini par dire oui au turtle bay resort. acheté par l'ennemi, à la botte du diable. + il était pourtant sur de lui concernant ce foutu hôtel. un fervent défenseur de la nature, toujours là pour hurler, pour tenir les banderoles et menacer de tout foutre en feu. un visage apprécié de tous pour sa force et sa motivation. l'un des symboles d'une lutte pliée. cette trahison qu'il commet contre son propre peuple ne passe pas. il n'existe alors plus qu'une seule chose, la honte. + il n'a pas toujours été marginal, le gamin. a une époque, il a même commencé son service militaire sur l'île. rêvant de grandeur, d'ailleurs, de cette fierté patriotique si bien vendue par les adultes de ce monde qu'il découvrait alors. et puis elle est tombée enceinte, alors il a fallut se marier, fonder un foyer, trouver un travail. rester. + il a tout de l'hawaiien heureux, keawe. il parle la langue, il surf, il sait pêcher et connait par coeur les chemins dans la forêt. il est né de cette forêt, de ces eaux. il a le coeur qui chante son amour pour son pays. + il n'a pas de voitures jones, il n'en a pas besoin. il y a toujours quelqu'un ici pour l'emmener où il veut. + c'est qu'il est connu, le type. belle gueule qui déteste la solitude, keawe passe son temps ailleurs, avec les autres. il connait tout le monde sur l'île, aide les vieux et traine avec les jeunes. il fait parti des murs. c'est peut-être pour ça que sa trahison est si dure à accepter. + les femmes, leurs corps tendre et leurs sourires qui réchauffent le ciel. si son épouse n'a plus voulu de lui, d'autres ont réussi à atteindre son coeur. mais la vérité, c'est qu'il a beau croiser de nombreux chemins, keawe se retrouve toujours irrémédiablement seul. + quand il a l'âme lourde, qu'il se sent malheureux, keawe peint. il fait des oeuvres de milles couleurs qu'il aime à afficher dans sa petite maison. des explosions de sentiments cathartiques. un cri silencieux pour apaiser sa chair. + il espère encore pouvoir agir contre l'hôtel. mais la vérité, c'est que le béton est là. que les murs sont là. que les gens sont là. il est conscient, robin des bois, que plus rien ne pourra changer. qu'ils ont perdu. et ça lui brise le coeur.  + on était déjà venu le voir au début de la construction de l'hôtel. parce qu'il connait les gens du coin et qu'il aurait su les apaiser. parce qu'avec ses relations, il aurait pu trouver les meilleurs éléments en ville et les convaincre de bosser pour le turtle bay resort. on lui a proposé des sommes astronomiques, qu'il a toujours refusé. et puis, il a eu besoin. il est venu ramper à la gueule de cet hôtel de misère qui lui a trouvé une place au bar. il aurait pu apprécier le geste s'il ne se sentait pas si souillé. lâche. traitre. + il ne s'y attendait pas. sa fille a refait surface, comme ça, du jour au lendemain. elle est apparue à sa porte, lui demandant de l'héberger le temps qu'elle se trouve un logement. presque souriante. presque comme s'ils se retrouvaient après des vacances. il est chamboulé, le garçon. il ne sait pas bien quoi en penser.

il a de l'eau jusqu'au cou, du sable dans les cheveux et du bonheur dans le coeur. derrière lui la nature semble dévorer le reste du monde. rien d'autre à l'horizon que des arbres, encore et toujours. un paysage magnifique, merveilleux. un monde fait de magie et d'aventures. Ohana, son île, sa maison. les anciens lui ont toujours dit qu'ici, la terre était d'animée d'une âme, d'un être qui respire avec le vent et qui se nourrit de l'eau du ciel. et il y croit, Keawe. il y croit du plus profond de son être. un petit battement en plus dans son coeur qui vient rythmer ses jours et ses nuits. il vit de la même force que les fleurs, que les poissons, que le feu et que l'océan. Keawe est le fils de cette terre. il est l'enfant du temps et du soleil. un sourire qui ne s'éteint que lorsque la lune apparait, mélancolique amante à qui il chante des louanges, les yeux pâles et le corps lourd.